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[Fsfe-france] Etude juridique sur la transposition de la directive


From: romain.boucq
Subject: [Fsfe-france] Etude juridique sur la transposition de la directive
Date: Tue, 7 Jan 2003 11:10:21 +0100

Bonjour,

Voici une étude juridique réalisée sur la transposition de la directive.

"Etude juridique du projet de loi portant transposition de la directive n°
2001/29 du 22 mai 2001 relative à certains aspects du droit d'auteur et
droits voisins dans la société de l'information.

 Suite aux développements de la contrefaçon et à ses conséquences
économiques, il est apparu nécessaire à la Communauté Européenne de
renforcer le cadre législatif dans le domaine de la propriété
intellectuelle. Dans un premier temps, il apparaît opportun de rappeler les
contraintes et projets communautaires de la directive ( I ). Dans un second
temps, il sera possible d'analyser une partie du projet de loi relatif à la
mise en ouvre de la protection juridique des dispositifs de protection par l
'analyse des futurs articles L.331-5 et L.335-3 du CPI ( II ).

I Contraintes imposées et projets de société proposés au gouvernement par le
cadre réglementaire

La directive n° 2001/29 du 22 mai 2001, en son (50), impose au gouvernement
de respecter les principes dégagés par la directive 91/250 du 14 mai 1991
concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur en ses
articles 5 et 6, qui sont exclus par les modifications prévues par l'article
11 de la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001, conformément aux exigences de
l'article 1.2 a) de ladite directive.

Par ailleurs, il est à noter que la libre recherche scientifique en
informatique, ainsi que les entreprise de sécurité informatique, ne doivent
pas être entravée dans leurs démarches par la transposition de la directive
n° 2001/29 du 22 mai 2001, tel qu'il en résulte clairement du (48) de ladite
directive qui dispose :

(48) : « (.) Une telle protection juridique doit respecter le principe de
proportionnalité et ne doit pas interdire les dispositifs ou activités qui
ont, sur le plan commercial, un objet ou une utilisation autre que le
contournement de la protection technique. Cette protection ne doit notamment
pas faire obstacle à la recherche sur la cryptographie. »

Ensuite, il est à noter que les utilisateurs doivent être protégés contre
une utilisation abusive des techniques de protection, ce qui nécessite un
encadrement juridique précis, tel qu'il en résulte clairement du (51) de la
directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 qui dispose :

(51) : «  (.) En l'absence de mesures volontaires ou d'accords de ce type
dans un délai raisonnable, les Etats membres doivent prendre des mesures
appropriées pour assurer que les titulaires de droit fournissent aux
bénéficiaires desdites exceptions ou limitations les moyens appropriés pour
en bénéficier, par la modification d'une mesure technique mise en ouvre ou
autrement. Toutefois, afin d'empêcher l'abus de telles mesures prises par
les titulaires de droit, y compris dans le cadre d'accords, ou prises par un
Etat membre, toutes les mesures techniques mises en ouvre en application de
ces mesures doivent être protégées juridiquement. »

Il apparaît opportun de rappeler que les bénéficiaires de droit sont les
personnes ayant régulièrement conclu un contrat, fixant les droits transmis
et les modalités de leur mise en ouvre, avec le titulaire de droit. Ces
bénéficiaires bénéficient de certains droits, de manière automatique, par le
biais de l'article L.122-5 et, dans une certaine mesure, des articles
L.121-7 et L.122-6-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ( CPI ). Ces
droits doivent être considérés comme étant nécessaires à l'intérêt général,
dans l'état actuel du droit, conformément au double objectif de la
législation sur la Propriété Intellectuelle ( une juste protection /
rémunération des auteurs et une diffusion au sein de la société des ouvres
ou des inventions).

La directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 permet que les droits conférés, par
la loi, aux utilisateurs soient étendus, conformément à (34) qui dispose :

(34 ) : « Les Etats membres devraient avoir la faculté de prévoir certaines
exceptions et limitations dans certains cas tels que l'utilisation, à des
fins d'enseignement ou de recherche scientifique, au bénéfice d'
établissements publics tels que les bibliothèques et les archives, à des
fins de compte rendu d'évènements d'actualité, pour des citations, à l'usage
des personnes handicapées, à des fins de sécurité publique et à des fins de
procédures administratives ou judiciaires. »

Ces différents points ayant été rappelés, l'analyse des choix réalisés par
le gouvernement dans le projet de loi est envisageable. L'attention sera
porté essentiellement sur les futurs articles L.331-5 et L.335-5 du CPI.

II Analyse des futurs articles L.331-5 et L.335-3 du CPI

Dans le difficile équilibre qui doit régner entre les titulaires de droit et
les bénéficiaires, c'est-à-dire entre le droit de l'auteur et l'intérêt
général, le nouvel article L.331-5 se situe à un carrefour ambigu. En effet,
l'article L.122-5 du CPI ayant été modifié dans le sens d'un allongement des
restrictions apportées au droit d'auteur (article 5.1 de la directive n°
2001/29 du 22 mai 2001), il apparaît que le gouvernement a voulu promouvoir
les droits des utilisateurs en l'étendant à une catégorie jusque là non
visée, conformément à la possibilité offerte par l'article 5.3 b) de la
directive n° 2001/29 du 22 mai 2001. De ce fait, il est certain que l'
objectif recherché n'est pas de supprimer les droits des utilisateurs,
sachant que la législation française est conforme sur ce point aux
exceptions envisagées par la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 en son
article 5.3 a), c), d), f) et k). Toutes dispositions contrariant de manière
directe ou indirecte les droits conférés par la loi pourraient donc être
considérées comme ne remplissant pas les objectifs que s'est fixé le
gouvernement et la directive ( (34) de la directive n° 2001/29 du 22 mai
2001) . De fait, le nouvel article L.331-5 offre la possibilité à « l'auteur
d'une ouvre autre qu'un logiciel, l'artiste-interprète, le producteur de
phonogrammes ou de vidéogrammes, l'entreprise de communication audiovisuelle
[de] mettre en place des mesures techniques de protection des droits qui
leur sont soumis par les livres I et II ». Dans sa rédaction actuelle, au vu
de son degré de généralité dans l'emploi des  « mesures techniques », le
texte permet aux auteurs de supprimer, de manière privée et discrétionnaire,
les exceptions prévues à l'article L.122-5 du CPI qui ont été conférés aux
utilisateurs dans l'intérêt général. Alors que la directive ne prévoit en
aucun de ses articles une telle possibilité, cette dernière ne visant que la
protection juridique contre les moyens de détourner une mesure technique de
protection (article 6 de la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001), il
convient d'aborder une nouvelle réflexion sur ce point, qui permettra de
conserver à la législation sur la Propriété Intellectuelle toute son
efficacité et également de réaliser les objectifs que s'est assignés le
gouvernement vis-à-vis des mesures techniques de protection.

Enfin, l'article L.335-5, troisième alinéa, n'est pas compatible avec les
principes de libre recherche scientifique en informatique et avec la libre
activité des entreprises de sécurité informatique énoncés au ( 48 ) de la
directive n° 2001/29 du 22 mai 2001. En effet, toute activité de recherche
sur les mesures techniques de protection nécessite une expérimentation
préalable afin d'en comprendre le fonctionnement, ce qui permet ensuite d'
améliorer le procédé mis en oeuvre. D'une part, il s'agit d'une entrave au
développement technologique qui est contraire aux objectifs de la
législation sur la Propriété Intellectuelle. Par analogie, il faut rappeler
que le droit des brevets impose une publicité obligatoire du brevet afin que
chacun puisse connaître l'état de l'art. De même, la recherche en
cryptographie postule, dans son hypothèse de travail, la connaissance de l'
algorithme mis en ouvre, la sécurité du fichier crypté reposant sur la
confidentialité de la clé. En incriminant la possibilité même d'étudier une
mesure technique de protection, les possibilités de contrefaire augmente
puisque les entreprises qui étudient ces techniques afin de les améliorer se
verront dans l'impossibilité d'exercer légalement leurs activités, privant
de leurs conseils les auteurs, c'est-à-dire les personnes même dont la
protection est recherchée. En revanche, les délinquants pourront continuer
de réaliser des contrefaçons car l'incrimination, si elle peut permettre de
diminuer le nombre de contrefacteurs, ne permettra pas de supprimer les
possibilités de contrefaire une oeuvre.

Par ailleurs, la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 recherche une
harmonisation des législations des Etats membres afin d'établir un marché
intérieur et l'instauration d'un système propre à empêcher les distorsions
de la concurrence dans celui-ci. Or, le choix réalisé par le gouvernement
dans la manière de transposer la directive en incriminant sans réserve toute
étude de mesure technique de protection est propre à restreindre la liberté
de recherche des entreprises spécialisées dans la sécurité informatique et
empêcher ainsi l'établissement d'une libre concurrence entre les entreprises
des Etats membres de ce secteur d'activité. De ce fait, outre les
inconvénients qui en résulteraient pour les entreprises françaises, la
disparité dans la concurrence des entreprises au sein du marché intérieur
pourrait conduire la France dans une situation où la condamnation de cette
dernière par la CJCE est envisageable. Il apparaît dès lors opportun de
rechercher une manière différente de protéger les mesures techniques de
protection des ouvres, conformément aux objectifs de la directive, mais dans
un souci de respect de la libre concurrence et de la libre circulation des
biens et services recherchées par l'établissement d'un marché intérieur au
sein de la Communauté Européenne. "

Cette étude peut être utilisée et publiée, sur tous supports, afin de
permettre une meilleure compréhension des problèmes posés par la
transposition de la directive.

Romain Boucq
DEA droit des contrats, option droit des affaires, Lille II
Doctorant à l' UMR de Droit comparé de Paris - I et à la Kent Law School,
Canterbury





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