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Re: [Fsfe-france] Industrie musicale : la guerre est ouverte


From: Manuel Leclerc
Subject: Re: [Fsfe-france] Industrie musicale : la guerre est ouverte
Date: Wed, 26 May 2004 20:33:36 +0200

[Attention, éloigner les âmes sensibles et
 les mineurs non accompagnés]

Christophe a écrit :

> Manuel Leclerc :
>
> > Le coût d'une oeuvre est celui de l'exemplaire original.
>
> Parlons des producteurs de cinéma par exemple.
>
> Si quand ils investissent 200 millions, il n'en ramassent que
> 100 car ils se voient concurrencés par le public sur la
> distribution de copies par la faute du progrès, et bien, ils
> vont apprendre à investir moins.

Ce n'est pas si simple.

Précisons un peu. Je pense que c'est toujours arrivé qu'un
film coûte 200 et ne rapporte que 100. C'est une perte
importante, mais si de temps en temps ce même coût de 200
rapporte 1000, c'est le jeux. Rien à dire.

La question est "quel est le taux de rémunération des
capitaux investis, en moyennant sur plusieurs productions,
sur une période significative ?"

Si ce taux baisse trop ou devient négatif, l'investisseur
va changer sa politique d'investissement. Il y a plusieurs
manière de faire, en jouant sur les coûts, le produit, la
cible, etc. En fait, ce genre de stratégie existe depuis
belle lurette, et on n'a pas attendu le P2P pour explorer
les différentes façons de gagner de l'argent en produisant
des films. Et il y en effectivement un certain nombre,
c'est tout l'intérêt (du moins quand on peut vraiment vendre).

Une dernière stratégie est possible : investir les capitaux
en question en bon du trésor sur 30 ans, tout simplement.

Maintenant si une tendance s'installe de baisse des recettes
de manière structurelle, à mon humble avis il va se passer
les choses suivantes :
1) la somme globale investie dans l'industrie va diminuer
2) cette somme en diminution sera encore plus concentrée
   sur des produits "formatés".

C'est une idée un peu banale : quand il y a un gros gâteau, il
y a plein de manière d'en récupérer un bout, et tout le monde
y trouve, plus ou moins, son compte. Quand la taille du gâteau
diminue, la lutte s'intensifie. Le résultat n'est pas toujours
joli à voir, c'est le cas de le dire

> Et cela ne va pas faire stopper la rotation de la terre et
> des films continueront d'être produits

"Des" films, oui. Lesquels ? Où ? Pour qui ? Par qui ?

Les productions cinématographiques françaises et italiennes ont
connus ces dernières décennies une évolution un peu différentes.
Pourquoi ? A cause du montant des capitaux investis, tout
simplement. C'est con, hein ?

Ceci dit, je vois bien où tu veux en venir. L'industrie
hollywoodienne peut bien crever, ça laissera sa chance
à chaque industrie nationale, même si l'État doit mettre
la main à la poche. Je peux comprendre ce point de vue,
bien que je lui trouve un côté "repli sur soi" qui
m'embête un peu.

Mais, l'industrie nationale, si elle n'est pas rentable,
elle n'ira pas bien loin : baisse du nombre et de la
variété des films.

Enfin, tout ça n'est pas très grave. Il y aura eu un age
d'or du cinéma et sa mémoire sera à jamais conservée et
partagée par la magie du numérique, grand progrès de la
civilisation.

> et des place de cinéma achetés. J'en mets mon CD à graver.
> Qui a déjà bisouiller dans une salle obscure partagera
> sûrement mon avis.  ;)

Une salle existe si son propriétaire gagne de l'argent. Tes
bisouillages sont hors sujet. En tant que simple
diffuseur/distributeur, les salles sont en première ligne,
à mon humble avis.

Encore moins grave, cette fois c'est juste que tu iras
bisouiller ailleurs.

> Autrement, première idée d'économie : peut-être qu'il faudrait
> en fait simplement qu'ils acceptent de voir leur bénéfices
> diminués

Tu penses que l'industrie d'Hollywood a actuellement des taux
de profits élevés ?

> et le salaires mirobolants de certains acteurs et
> réalisateurs baisser ?

T'inquiètes pas pour ça. Les salaires sont une variables
d'ajustement bien connue pour parer aux conséquences
malencontreuses des "progrès".

Ceci dit, les salaires des stars, c'est l'offre et la
demande. Si les ventes de films baissent, la demande
des producteurs pour les stars va-t-elle baisser aussi ?
Pas sûr. Par contre, le nombre de tournage "délocalisés"
lui, il va augmenter, ça ne fait pas un pli. Tant mieux
pour les pays en question.

> Ou alors mettre moins d'effets spéciaux et écrire de
> vrais scénarios ?

Ou alors encore plus d'effets spéciaux et encore moins de
scénario. Pas facile de prévoir ce qui se vends le moins
mal quand on peut ne pas payer.

Ce qui me ferait bien marrer, c'est qu'on voit se multiplier
des événements ou oeuvres artistisques financés par quelques
happy few prêt à sortir les millions pour voir ce qu'ils
aiment. A n'en pas douter, dans leur grande bonté d'âme, ils
autoriseront ensuite la populace à se goinfrer avec les copies
numériques, que "ça coûte rien ma bonne dame, et que c'est bien
normal d'en faire profiter ces gens, il n'y a pas de rivalité".

> > La façon, simple, dont je vois les choses est la suivante :
> > l'immense majorité des oeuvres qui existent aujourd'hui
> > existent parce que des capitaux ont été investi. Le métier
> > d'éditeur, ou de producteur, est comparable à celui
> > d'investisseur en capital risque.
>
> Sauf que le capital risqueur ne se cache pas derrière le droit
> d'auteur quand il fait des erreurs d'investissement

Si tu le vends et que c'est disponible gratos, tu en vends moins.
Appelles ça une erreur d'investissement si ça t'amuses, mais c'est
le genre d'erreur qu'on ne fait pas indéfiniment, rassures-toi.

> ou nie les réalités techniques et sociales.

Je peux aussi dire que c'est _toi_ qui nie les réalités techniques
et sociales.

> > Il s'agit de faire 10 paris, d'en perdre 9 et d'en gagner 1.
> > Normalement, les gains sur le pari gagné sont supérieurs aux
> > pertes sur les paris perdus. Le bilan est AUSSI que 10 oeuvres
> > ont été produites. Oui, je sais, je résume.
>
> Indépendamment de ce que je viens de dire précédemment, tu oublies
> un mot dans ta démonstration arithmétique :
>
> CULTURE !
>
> Franchement, quel est le prix de la culture ?

Je ne sais pas. Pour moi la culture, ça a plusieurs caractéristiques
mais pour le "prix", je ne vois pas trop.

> Tiens, quel est le prix d'une seconde du dernier Némo par exemple ?
> Le montant investi divisé par la durée du film en secondes ?

Oui.

> Et au delà de la valeur économique, à quel prix peut-on empêcher
> que 10 secondes de Némo ne soient copiés et retouchés sur un
> ordinateur ? Mises à dispo sur un réseau ? Échangées par mail ?

Ca m'est complètement égal, personnellement, qu'on puisse ou
non copiés ou retouchés 10 secondes de Nemo. Dans l'absolu, il
vaut toujours mieux que tout soit possible, bien sûr. Mais je
considère beaucoup plus important que Nemo existe, pour
commencer, et que d'autres Nemo soient créé à l'avenir.

Et si tu veux diffuser "une oeuvre dérivée" de Nemo,
tu demandes l'autorisation à celui qui détient le copyright.
Je pense que c'est un concept que tu connais, non ?

Pour ce qui est de l'usage "privé", tu va louer le DVD et
tu films ta télé avec ta webcam, et tu fais joujou avec Le Gimp.
Ca devrait le faire. Environ.

L'idéal serait bien sûr qu'on puisse avoir accès aux données
numériques directement. Si un système de DRM arrive un jour
à autoriser ce genre de chose, typiquement : je fais ce que
je veux chez moi, mais je ne peux pas uploader l'oeuvre,
j'applaudirais des deux mains. Malheureusement, un abruti
du style DVD Jon finira par sortir le logiciel de déplombage,
en bon héros de la grande cause de la Liberté. Donc, je n'y
crois pas trop, hélas.

> Au prix du droit au respect de la vie privée ? De la liberté
> de créer des auteurs de logiciels libres ? De la libre
> concurrence sur le marché de l'édition logicielle  ? Du libre
> usage privé ? Ou alors au prix de l'exception culturelle ?

Et la vie des Mamans Ours, elle n'est pas menacée, non plus ?

> Doit-on, pour sauver la culture, laisser quatre majors du
> disque et l'industrie hollywoodienne s'entendre avec Microsoft
> pour contrôler le public, histoire que, à terme, soit encore
> plus uniformisé d'une part la production culturelle, d'autre
> par le parc logiciel ?

Qu'entends-tu par "contrôler le public ?"

Pour le parc logiciel, je suis d'accord qu'il y a un problème.
Dans l'idéal, il faudrait qu'il y ait plus de Mac, et de PC sous
Linux. Faisons confiance, sur ce dernier point, à IBM, Novel et
Red Hat (et Mandrake) pour faire avancer les choses.

En ce qui concerne la diversité, je crois qu'elle augmente avec
les profits des producteurs et diminuent dans le cas contraire.

> Dis moi à quel prix il faut sauver les cartels et les monopoles
> industriels au nom du droit d'auteur ?

Je n'ai pas de sympathie particulière pour les "cartels". Je crois
juste qu'une industrie saine comporte quelques poids lourds. Quant
aux "monopoles industriels", je crois que c'est un terme un peu
vague. Disons que je condamne les abus de positions dominantes.

> > En ce qui concerne la solution au problème, ça m'embête un peu
> > de devoir en arriver là, mais je n'arrive pour l'instant pas
> > à imaginer autre chose que la solution "évidente" : la
> > rematérialisation (aka DRM).
>
> Comme l'as très bien dis un ami activiste à un des directeurs
> d'un gros distributeur de musique en ligne :
>
> Mon ami (calme) : Vous cherchez à démontrer que l'on peut
> de gagner de l'argent dans un univers de fascistes.
>
> Le directeur (faussement indigné) : Mais vous me traitez de
> fasciste !
>
> Mon ami (toujours aussi calme) : Mais non. Je dis simplement
> vous cherchez à démontrer que l'on peut de gagner de l'argent
> dans un univers de fascistes.

J'aurais réagi pareil que le "directeur", je crois. C'est quoi
un "univers de fascistes" ?

> > Le problème, c'est les effets de bords, bien pénibles.
>
> Ah, les effets de bord bien pénibles des DRM ...
>
> Les DRM, ou plutôt les MTP,

J'ai googlé et j'ai trouvé "Media Transport Protocol". C'est ça ?

> c'est liberticide dans n'importe quel sens où tu les prennes.
> Une MTP, c'est la dictature logicielle protégée par la loi.

Pour moi, le DRM c'est un moyen de rematérialiser quelque chose
qui l'était au départ. Pourrais-tu expliciter le terme de
dictature dans ce contexte ?

> Franchement, le jour où un type t'annonce que désormais ton PC
> n'est plus un ordinateur personnel mais une télé louée à
> l'année,

Blague à part, le concept de location d'un PC à l'année pourrait
vraiment m'intéresser.

> contrôlable à distance par un tiers à qui tu dois maintenant
> faire confiance, et que oui on t'espionne, et que oui tu ne peux
> plus installer de lecteurs multimédias dessus sans
> autorisation, et que oui, les auteurs de logiciels ne peuvent
> plus créer de lecteurs multimédias,  et que c'est comme ça et
> pas autrement sinon c'est la prison, que diras tu ? Ah, les
> effets de bords bien pénibles des DRM ?

J'enlève ce que je considère être des délires paranoïaques, et je
garde le vrai problème : les logiciels libres pour lire des contenus
protégés. Il me semble que la communauté du logiciel libre devrait
faire une sorte de compromis et accepter, sur ce sujet, une exception.

Je comprends bien ce que cette idée peut avoir de choquant pour
les intégristes du Libre. Mais d'un autre côté, les solutions
parfaites qui satisfont tout le monde, c'est rare. Il faut bien
trouver une solution...

> > D'où mon énervement quand je lis la prose des jusqu'au-boutistes,
> > qui à mon avis :
> > - soit ne voient pas plus loin que le bout de leurs nez, justement
> > - soit ont parfaitement compris, mais souhaitent vraiment une
> >   sorte de révolution dans le domaine.
>
> > Les premiers devraient, entre autre, comprendre qu'ils vont
> > provoquer une réaction violente,
>
> [...]
>
> Sur une idée du ministère de la culture [...]

Du coup, j'ai été là :
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/index-piraterie.htm

Il y a des textes de Renaud Donnedieu de Vabres et de Chirac, qui me
semblent très bien (les textes). A lire.

> Quand l'État assimile des types qui gravent ou téléchargent à des
> mafieux ou de terroristes, on se demande si l'on est pas déjà en
> face de réaction violente.

Il y a certes des écarts de langages regrettables. Tu as bien parlé
d'un univers fasciste, toi. Donc paille/poutre hein ?

Certaines groupes de contrefacteurs sont de types mafieux, mais
l'amalgame avec le P2P en général est idiot, je le reconnais.

> Autrement, à propos du doigt du SNEP et du pipeau sur la
> diversité culturelle qui nous est resservi à longueur de temps :
>
> http://www.tekool.com/manif29mai/golum.pdf

Ha, j'ai failli commencer à lire, et puis j'ai vu "le monde
diplomatique" en bas et du coup je n'ai pas été plus loin.
Les balivernes de ce torchon ne m'intéressent pas, désolé.

Ceci dit, il s'agit des liens entre les majors et les radios
privées, si j'ai bien compris. Je trouve effectivement qu'il
y a un problème. Les radios sont gratuites, elles existent
grâce à la publicité, qui est en rapport avec l'audience.

Que se passe-t-il quand le financement vient aussi de
fournisseurs de contenus qui vendent ces contenus
aux auditeurs ? Un gros effets pervers : on paye la radio
pour qu'elle diffuse ce qu'on veut que les auditeurs
achètent, et si c'est à peu prêt potable, les auditeurs
achètent et aiment bien l'entendre à la radio. Il y a
donc une prime "au gros", rien de bien nouveau sous le
soleil. En même temps, ça permet aussi au dit gros
d'investir dans la nouveauté. Les passages radio, c'est
une chose. Le nombre de nouveaux auteurs produits chaque
année, c'en est une autre.

Je ne vois pas comment trancher ces liens entres certaines
radios et certains gros éditeurs. Une idée ? Attention, il
ne faut pas tomber dans la réglementation liberticide, non
plus.

> > et qu'ils vont donc aggraver les effets de bords néfastes.
>
> Comme ceux qui prétendent que réintroduire de la rareté dans
> une économie d'abondance est une solution.

Je trouve sacrèment culotté de parler d'économie d'abondance
et de n'avoir au fond qu'une seule idée : que cette économie
crève la gueule ouverte. Mais j'ai peut être mal compris ton
propos.

> > il faut _arrêter_ de croire que toute personne qui
> > voit dans le piratage par P2P un vrai problème, n'est
> > qu'un suppôt des majors ou un imbécile.
>
> Et il faut arrêter d'utiliser à tout bout de champs le mot
> piratage qui ne veut strictement rien dire.

Ca m'est égal le mot. On parle des échanges de musiques
par P2P sans l'accord des détenteurs des droits. Bis : changer
les mots ne changent pas la réalité.

> Tant qu'à faire pourquoi pas utiliser armes de
> contrefaçon massive quand on parle d'un graveur ?

Oui, pourquoi ?
Bon en s'en tape du vocabulaire de la propagande, non ?
Les gens ne sont pas si idiot que ça, je crois qu'ils
comprennent de quoi il s'agit.

> Le mot exact : c'est contrefacteur.

Si tu veux.

> > Les seconds devraient être plus explicites, question
> > d'honnêteté à mon humble avis, et décrire complètement
> > le genre de société à laquelle ils pensent, quand ils
> > souhaitent la dé-financiarisation de tout ce qui est
> > numérisable.
>
> Perso, j'attends ta description de société avec DRM et merci
> de me préciser deux petites choses :
>
> - les auteurs de logiciels libres pourront t-ils éditer des
> logiciels qui lisent des DVD protégés sans être poursuivis
> dans ta société avec DRM ?

Je suppose que tu parles de logiciels dont la simple
existence publie la technique de crackage. Donc Non.

Je ne m'y connais pas trop en technique. J'aimerais assez
qu'il existe un moyen simple de lire un DVD, mais empêchant
que le DVD se retrouve en téléchargement gratuit sous P2P,
s'il est "protégé", bien entendu.

> - le public pourra t-il extraire le contenu du DVD pour en
>   faire un DivX ou convertir un fichier WMA protégé au
>   format Ogg-Vorbis dans ta société avec DRM ?

Pareil : non, si c'est pour que le dvd se retrouve en P2P
(et qu'il est protégé). Mais pouvoir distinguer l'usage
domestique de la "contrefaction" serait l'idéal.

> "C'est une révolution culturelle et une révolution culturelle
> n'est jamais qu'une façon de voir une révolution tout court.
> L'idée fondamentale d'une telle révolution est de supprimer
> non seulement la notion mais le fait de « consommation »
> culturelle pour les remplacer par ceux de « production »
> culturelle étendue à tous les groupes et ensembles-groupes qui
> constituent la société"

N'importe qui peut faire de la musique et la donner à qui il
veut. En fait, ça n'a jamais été aussi facile qu'aujourd'hui.
Pareil pour les images. Et les moyens de se faire connaître
n'ont eux aussi jamais été aussi puissant et à disposition de
tout le monde. Les révolutionnaires qui veulent le bonheur
culturel de l'humanité, ils font ce qu'ils veulent, ça ne me
pose pas de problème, jusqu'à un certain point.

-- 
libres oui mais gratuit il faut arrêter de rêver tout le monde
n'est pas fonctionnaire !
                                 --Eric Seigne





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